On estime aujourd'hui les populations originaires de l’Océan Indien à La Réunion à un peu plus de 30 000 personnes, s'approchant du seuil de 5% de la population réunionnaise.
Les migrants se dirigent vers ce Département d'Outre-Mer pour diverses raisons, mais particulièrement pour l'accès à de meilleures conditions de vie. Ce sont principalement des populations mahoraises, malgaches, comoriennes et mauriciennes attirées par le différentiel de prospérité et les systèmes d'éducation, de santé et d'aides sociales offerts par La Réunion.
La plupart sont des femmes seules avec enfants (plus de trois dans 65% des cas), dont la mobilité est « le résultat de situations matrimoniales complexes », souvent de divorce ou de veuvage.
Nous notons peu ou pas de travaux ou de chiffres disponibles sur la communauté comorienne, malgache et mauricienne à La Réunion. Par contre, le cas des Mahorais a fait l'objet de plusieurs études. L'INSEE a mis en évidence des différences d'intégration économique selon l'origine, à partir du taux d'emploi selon le lieu de naissance et le diplôme. Une autre étude très complète du Centre de ressources de la cohésion sociale urbaine de La Réunion publiée en 2011 confirme les tendances évoquées ci-dessous.
Ces populations sont confrontées à plusieurs freins/obstacles liés à l’insertion sociale et professionnelle :
Un niveau de formation non adapté: Mahorais et Comoriens n'ont qu'un faible bagage de compétences scolaires et professionnelles. 43% des Mahorais et Comoriens n'ont jamais été à l'école et 33% n'ont ainsi suivi qu'un cycle primaire.
Une perte du cadre culturel et une nécessité de s’adapter : La migration implique chez les migrants une perte du cadre culturel, ce qui amène une perte de capacité à déchiffrer et intégrer les codes de lecture de l'environnement, limitant et ralentissant leur intégration.
Des difficultés à maitriser le français, facteur premier d’intégration : La maîtrise du français est un obstacle important d'intégration : seulement 41 % des Comoriens et 32 % des Mahorais déclarent le comprendre et le parler facilement. A défaut d'étude précise vis-à-vis des autres communautés, l’expérience et les observations de terrain de l’Amafar témoignent également de la difficulté des populations malgaches et dans une moindre mesure, mauriciennes, vis-à-vis de la langue française.
Des difficultés à s’insérer professionnellement et économiquement : Seulement 11,5% trouvent du travail (Kashkazi-journal, nov. 2005 : les Mahorais de La Réunion, un malaise enfin chiffré). A La Réunion, pour plus de 2/3 des familles monoparentales (67,2%) le parent isolé (généralement la mère) n'exerce aucune activité. Les Mahorais ont à chaque âge, les taux d'emploi les plus faibles : pour la tranche d'âge de 20 à 59 ans, ce taux est de 14% chez les hommes et seulement 3,6% chez les femmes.
Il s’agit de trajectoires sociales qui participent pleinement à des situations de pauvreté et de précarité sociale. Cette situation touche plus particulièrement les femmes souvent à la tête de familles monoparentales, ce qui constitue un frein fort à l'insertion sociale et professionnelle (formation et accès à l'emploi).
Face aux constats issus du diagnostic de départ ci-dessus, nous avons identifié plusieurs besoins de ces publics :
Un besoin d’accompagnement pour s’insérer socialement et professionnellement
Ces femmes immigrées, si elles sont reconnues dans leur rôle d’épouse ou de mère, ont aussi des attentes importantes en termes de développement personnel, social et d’insertion professionnelle. Maitrisant peu le français, elles ont des besoins de formation et d’accompagnement spécifique. En effet, ces femmes immigrées ne connaissent pas leurs droits et devoirs ainsi que les rouages de l'administration en matière sociale et d'insertion professionnelle.
La perte du cadre culturel originaire peut être vécue de manière traumatique car il y a rupture de sens et de significations. Cette situation a pour conséquence des phénomènes de rejet et de stigmatisation de plus en plus significatifs. Les migrants sont confrontés à des regards qui leur assignent de nouvelles identités, le plus souvent dévalorisantes. En arrivant à La Réunion, ils perdent la place qu'ils tenaient dans leur pays d'origine et les différents rapports qui la définissaient. Ils sont privés de leur enveloppe culturelle qu'ils devront réaménager.
Parler la langue de la société d'accueil est un acte important et démontre la volonté de se mettre en lien avec l'autre. Parler le français peut déboucher sur la création du lien social entre les deux groupes et favoriser l'intégration. De ce fait, un apprentissage du français est un levier indispensable pour leur insertion sociale et professionnelle. D'autant plus que le projet essentiel de ces populations issues de l’immigration a pour objectif la création d'un projet de vie qui est l'accession à de meilleures conditions de vie. Il y a donc une volonté de changement dans l'acte de migrer. Un de ces changements est de s'intégrer en parlant et en écrivant la langue du pays d'accueil. De ce fait, un apprentissage du français est un levier indispensable pour leur insertion sociale et professionnelle.
Au regard de ces besoins, il nous parait important de proposer une action d’accompagnement et de formation visant l’insertion sociale et professionnelle des femmes migrantes, conformément à la fiche-action 3.10.
Selon celle-ci, l’inclusion active consiste à permettre à chaque citoyen, y compris aux plus défavorisés, de participer pleinement à la société, et notamment d'exercer un emploi.
Concrètement, pour atteindre cet objectif, ce projet se propose de faciliter l’approche du marché du travail et des employeurs par un accompagnement permettant une meilleure connaissance et appréhension de la société réunionnaise si besoin en renforçant une maîtrise suffisante de la langue parlée et écrite, la définition d’un projet d’insertion sociale et/ou professionnelle, l’acquisition des repères en termes de recherche d’emploi, notamment auprès des femmes qui sont plus particulièrement fragilisées dans un contexte d’insertion source d’inégalités hommes-femmes. Ces actions combinées permettront de restaurer le pouvoir d'agir des femmes migrantes et de les préparer le cas échéant à une insertion professionnelle pour celles qui le souhaitent.
Le projet est une proposition de parcours intégré d'insertion sociale auprès des populations non originaires de La Réunion mais habitant le Département et s’articule de la manière suivante :
Phase 1: Repérage des publics et diagnostic permettant d’identifier les besoins de chacun des participants en matière sociale, familiale et professionnelle (janvier – février)
Phase 2: Accompagnement social et familial personnalisé répondant aux besoins de chacun des participants identifiés lors de la phase 1. Cette phase traite de l’urgence des problématiques d’ordre social et familial freinant le processus d’inclusion sociale (mars à juillet).
Phase 3: Accompagnement à la définition d’un projet de vie sociale et/ou professionnelle (août-décembre)
En corollaire, compte tenu du profil des bénéficiaires à qui s’adresse cette action et des objectifs d’inclusion sociale poursuivis par ce projet et du fait que la maîtrise de la langue française est reconnue unanimement comme le premier facteur d’intégration, il est primordial d’accompagner les bénéficiaires dès la phase d’accompagnement social et familial dans l’acquisition des écrits de survie et de l’expression orale. L’accompagnement social et familial ainsi que l’acquisition de compétences en matière d’écrits de survie et d’expression orale sont les préalables à la définition d’un projet de vie sociale et/ou professionnelle réaliste et réalisable.
La population migrante est majoritairement constituée des femmes qui se retrouvent dans des positions sociales, professionnelles et humaines difficiles. Le contexte socio-économique de La Réunion accroît leur vulnérabilité et les situations d'exclusion. La finalité du projet est d’augmenter le nombre d'insertion de femmes, chefs de famille, en difficultés, éloignées de l'emploi, dans un parcours d'insertion sociale préalable à une insertion professionnelle. Cette action permet ainsi de constituer un levier de cohésion sociale et de parcours intégré vers l'insertion sociale de ces personnes.
La réussite de l'accompagnement des migrants, issus de la zone Océan Indien (mahorais, comoriens, malgaches, mauriciens...) en vue d'une installation durable, est une condition primordiale pour une bonne intégration.
Ce faisant, l'AMAFAR-EPE présente un projet intégré qui se propose :
d'accompagner les migrantes en leur proposant des repères concernant le fonctionnement social, économique et culturel de La Réunion afin de faciliter leur intégration ;
d'amener les migrantes à intégrer la société réunionnaise sur les principes du renforcement des liens interculturels ;
de lutter contre les discriminations en favorisant l'insertion sociale des femmes qui représentent une catégorie de population désavantagée souvent exposées à la pauvreté ;
de soutenir le travail sur le rapport à l'autre (y compris au sein de sa propre famille) en donnant aux bénéficiaires la possibilité de participer à des ateliers d'expression orale et écrite en langue française ciblés sur une meilleure appréhension des démarches d'accompagnements pour une meilleure insertion sociale et professionnelle.